
Jean-Jacques
BOLANZ (22.1.1940-29.10.2007)
Jean-Jacques
est entré dans ma vie en 1986, suite à une rencontre tout à fait fortuite.
En effet, je
m’étais offert comme « Sherpa » afin de transporter son équipement et celui de
Patrick Deriaz dans les siphons de la grotte de Fiumelatte.
Jean-Jacques
m’est apparu tout de suite comme un personnage charismatique et en tant que
plongeur j’étais surtout curieux de découvrir ses techniques de plongée.
A ce
moment-là, je ne parlais aucune langue étrangère et Beatrice me servait
d’interprète afin de communiquer avec lui.
Beaucoup d'eau a
jailli des sources depuis ces premières rencontres, et de nombreuses notions,
non seulement de plongée, mais aussi de français sont entrées dans ma tête
et nous ont permis d’échanger nos opinions à propos d’énormément de sujets, et
son travail n’était pas en reste.
Jean-Jacques
était fortement impliqué dans son travail comme éducateur social en Afrique et
durant ces dernières années, même s’il était à la retraite, il a continué à
collaborer à ses principaux projets en Ethiopie.
Jean-Jacques
me parlait de l’Afrique comme seuls ceux qui y ont vécu pendant de nombreuses
années savent le faire, il me parlait aussi de son collègue sur place, son alter
ego, Bekele Mosisa. Je connaissais Bekele au travers de Jean-Jacques, ses
attentes et ses souhaits, et après avoir eu l’occasion d’échanger quelques mots
au téléphone avec lui, je sais que lui aussi me connaissait de la même manière,
et qu’il en savait beaucoup sur moi. En fait, Jean-Jacques adorait partager ses
passions avec ses amis proches et leur faire partager les divers aspects de ses
activités.
Durant ces
années, pendant que ses petits-enfants grandissaient, j’ai été accueilli chez
lui, tout d’abord comme « apprenti » plongeur, puis le temps passant, comme un
véritable ami. Ensuite, quelque chose de plus s’est développé dans notre
relation, et j’ai eu le sentiment d’être accueilli presque comme son fils
spirituel dans notre passion commune qu’est la plongée speleo.
Dans une
interview pour un documentaire sur la source Covol dei Siori Jean-Jacques disait
: « Je dois confesser que je suis réellement reconnaissant à la vie de m’avoir
permis de rencontrer un ami comme cela. Tout ce que fait Luigi, c’est comme si
je le faisais moi-même… »
L’activité
exploratoire de Jean-Jacques a duré plus de 30 ans, et elle s’est développée
dans toutes les directions possibles de l’exploration, des grosses sources
profondes, à celles avec d’importants développements horizontaux, des siphons
« fond de trou », aux immersions multisiphons, des pertes, aux grottes
thermales ; une quantité énorme d’activités, environ 2000 immersions effectuées
presque toujours en exploration, ou en alternance dédiées à la topographie.
L’engagement
mis dans les grandes explorations était égal à celui mis dans celles moins
stimulantes comme la topographie, tout ceci démontrant un professionnalisme dans
la passion, comme seuls les Grands peuvent et savent le faire.
Jean-Jacques
grand explorateur, plus de 25 ans passés à tous les niveaux du panorama
international, a réalisé des explorations qui encore aujourd’hui sont
incroyables. Rescapé des périodes durant lesquelles on forçait les temps de
plongée et les profondeurs tout en utilisant comme seul mélange respiratoire –
l’air. Pionnier dans l’utilisation des mélanges Trimix
à usage sportif, effectuant la première plongée aux mélanges en grotte en
Italie à la source du Gorgazzo en 1987 et atteignant la profondeur incroyable de
–108 m. Il était capable d’évoluer continuellement aussi bien d’un point de vue
personnel que technologique, investissant dans des « zep », cloches de
décompression, caissons hyperbares portables, etc…
Cela m’a
toujours stupéfié de voir qu’à plus de 60 ans Jean-Jacques continuait à acquérir
des nouvelles combinaisons, « zep », équipements pour des plongées profondes,
avec autant de passion et de frénésie qu’un jeune homme qui a encore toute la
vie devant lui.
Quand il me
demandait de lui procurer quelque équipement et que j’étais en retard, même si
je réussissais à me justifier, il remplissait ma boîte aux lettres d’e-mail
gentiment menaçants… Souvent quand nous nous rencontrions, nous résolvions alors
nos petites controverses à table devant de bons plats et d’excellentes
bouteilles, parce que Jean-Jacques était un bon vivant très gourmet. Dans chaque
localité, sur chaque itinéraire de nos différentes expéditions, nous avions nos
arrêts forcés dans les capitales de la bonne cuisine.
En 2003, à
l’âge de 63 ans, Jean-Jacques a commencé à utiliser un circuit semi-fermé et
après environ 200 heures d’utilisation, attiré par les performances du circuit
fermé, il a décidé d’en acquérir un : en 2004, le grand saut.
L’utilisation
de ces recycleurs, beaucoup plus légers à gérer comparés à un classique circuit
ouvert, ont redonné à Jean-Jacques une deuxième jeunesse, et il a bien sûr très
rapidement retrouvé un rôle important parmi les quelques utilisateurs de ce type
d’appareil en plongées difficiles.
Durant ces
dix dernières années, lui et moi avons vécu en parfaite symbiose, appréhendant
de la même manière les épreuves de la vie, la politique, la liberté, ou plus
simplement achetant les mêmes produits, les mêmes équipements, passant beaucoup
de notre temps ensemble, partageant les succès, programmant de nouvelles
explorations, recherchant de nouveaux contacts dans de nouveaux pays, etc. Pour
finir, après avoir changé sa vieille camionnette, Jean-Jacques s’était aussi
acheté une tente à mettre sur le toit de son auto similaire à la mienne, la
trouvant si agréable que quand il venait me voir, il ne dormait plus dans sa
petite chambre, mais dans son alcôve surélevée.
Cher
Jean-Jacques, nous nous sommes retrouvés à Corinthe le dimanche 28 octobre et je
t’ai apporté des accus de rechange pour tes lampes, des toutes neuves, car tu
avais des problèmes avec celles utilisées jusque-là. Nous avons échangé quelques
mots très rapidement car mon ferry pour la Crète ne pouvait pas attendre ; nous
avons regardé ensemble la décompression pour ta plongée car les –140 mètres
faits quelques jours avant ne te suffisaient pas. Tu désirais que ta plongée la
plus profonde soit à Lili la grotte qui t'appelait depuis plus de dix ans, celle
qui à cause de mauvaises conditions atmosphériques tu n’avais pas pu explorer
avant, mais aussi la grotte où moi je ne voulais pas retourner en exploration
après que, quelques années auparavant, dans des conditions hydriques
particulières, nous avions été quasiment aspirés dans ce noir qui pourtant nous
attire tant.
A la sortie
du bar, pendant que nous retournions rapidement à nos voitures, je t’ai dit –
« Fais attention ! Tu seras très profond ». Les mêmes mots que tu me répétais
toi-même avant chaque plongée ; sur la route ton cure-pipe est tombé de ta poche
et comme cela se passait souvent je l’ai ramassé et te l’ai rendu en souriant.
Une fois en voiture, je me suis aperçu que nous avions oublié de changer d'heure
et qu'il n'était pas si tard que ça. Nous aurions pu passer encore une heure
ensemble, mais nous avions démarré et cette fois reste une des rares fois où
nous n’allions pas ensemble au bord d’une source. Nous nous sommes salués avec
quelques mots, avec nos regards complices, remplis de promesses, et un sourire
réciproque que je ne savais pas être le dernier.
Lundi 29,
j’ai reçu un appel de Vassili à 18 heures qui me disait que tu étais en retard à
la sortie : avant même qu’il ne redescendent dans l’eau pour contrôler, j’avais
compris que nous ne nous reverrions plus. Le ferry pour revenir dans le
Péloponnèse était déjà parti, et j’ai dû attendre 24 heures pour rentrer, pour
venir te chercher.
Heureusement
les amis grecs ont eu cette humanité qui avait manqué quand Massimiliano était
parti. Je t’ai trouvé le 31 octobre, à –93 mètres, en train de remonter d’une
plongée à –152 m, où tu dormais.
J’ai pleuré
dans l’eau en te voyant comme ça abandonné dans la profondeur d’un sommeil sans
retour. J’ai compris que tu t’en étais probablement allé suite à une
intoxication au CO2, quelque chose qu’à l’heure actuelle nous pouvons tenter de
prévenir, mais que nous ne sommes pas en mesure de vaincre lorsque cela arrive.
Je suis seul,
tu n’es plus là, tu ne me conseilleras plus, tu ne me diras plus « Fais
attention », nous n’échangerons plus de regards intenses mais je sais que tu
n’as pas subi la vie, tu ne l’as pas non plus vécue de manière superficielle, tu
l’as vécue intensément, donnant un sens aussi bien à ta vie qu’à la mienne.
Je te verrai
dans l’obscurité des grottes, dans les galeries qui, avec la passion que tu m’as
transmise je continuerai à parcourir.
Tu seras
toujours avec moi, Mon Ami.
Luigi Casati

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